Le traitement de l’hypospadias à propos de 350 cas
Thèse de Dr N.HADDAD
L’hypospadias est une
malformation congénitale caractérisée par un abouchement ectopique du méat
urétral au niveau de la face ventrale de la verge. Il s’agit d’une anomalie
assez fréquente dont l’indice varie de 1 à 8 pour mille naissances vivantes
de sexe masculin.
Notre
série comporte 350 cas d’hypospadias colligés au service d’urologie du CHU
de Sousse sur une période de 15 ans (1983 - 1998).
A partir de l’analyse de ces
observations et d’une revue de la littérature, nous avons essayé d’étudier,
dans ce travail, les divers aspects embryologiques, anatomo-pathologiques,
cliniques et surtout thérapeutiques de cette malformation. Le diagnostic de l’hypospadias
est toujours clinique.
En effet, l’examen
systématique des organes génitaux externes à la naissance permet de
découvrir cette anomalie à un stade précoce.
Les explorations radiologiques
(Echographie, UCR, UIV) non-systématiques ne sont intéressantes que pour
rechercher d’autres uropathies malformatives associées en cas d’hypospadias
postérieur.
L’examen
cytobactériologique des urines reste indispensable en pré-opératoire pour
tout hypospade, car il permet le dépistage des infections urinaires latentes
qui, non traitées, constituent un facteur d’échec de l’urétroplastie.
Les autres explorations
biologiques (hormonales), génétiques (caryotype) ne retrouvent leur
indications qu’en cas d’hypospadias périnéal ou d’ectopie testiculaire
associée à un hypospade même antérieur.
Sur
le plan anatomique, la classification des hypospadias est basée sur le siège
du méat urétral après un éventuel redressement de la verge pour coudure.
Ainsi, on distingue :
-
les hypospades antérieurs (41,42% dans notre série) ;
-
les hypospades moyens (44,3% dans notre série) ;
-
les hypospades postérieurs (14,28% dans notre série).
Par
ailleurs, les hypospadias s’accompagnent souvent d’un cortège de lésions
associées, surtout d’ordre génital et qui, en fait, déterminent la
complexité du geste de correction.
Dans notre série, elles
étaient dominées par la coudure de la verge (22%) puis la sténose du méat
(5,7%) ; d’autres, plus rares, peuvent se voir : torsion de la verge (0,28%).
D’autres anomalies
génitales associées à l’hypospadias ont été observées comme la
cryptorchidie qui reste la plus fréquente, retrouvée dans 10,5% des cas. Sa
fréquence est croissante avec la sévérité de l’hypospadias.
Des anomalies urinaires
associées ont été également constatés comme : l’ectopie rénale, le rein
en fer à cheval, l’agénésie rénale, la maladie de la jonction
pyélo-urétérale, le méga-uretère, le reflux vésico-urétéral et les
valves de l’urètre postérieur.
L’âge moyen de nos patients au moment de l’urétroplastie
était de 7 ans 1 mois avec des extrêmes allant de 7 mois à 32 ans ; 65% de
nos patients ont été opérés avant l’âge scolaire.
Actuellement, l’âge idéal
de l’urétroplastie pour hypospadias se situe entre 6 et 18 mois, afin de
limiter à la fois le retentissement de la malformation sur l’image corporelle
et le retentissement de l’hospitalisation. Ceci souligne la nécessité d’un
diagnostic et d’une prise en charge précoce.
Plus
que 200 techniques chirurgicales ont été décrites dans la littérature pour
essayer de corriger cette malformation. 5 principales techniques sont les plus
communément utilisées en fonction du type d’hypospadias.
Pour les hypospadias antérieurs :
* Le MAGPI modifié
(Meatal Avancement and Glandulo-Plasty Incorporated) a été utilisée chez 59
hypospades distaux avec un bon résultat dans 93,3% des cas. Nous avons eu 6,7%
de complications. Cette technique est de moins en moins utilisée car elle
masque l’anomalie sans réellement la corriger et modifie la forme du gland.
* L’avancement
urétral trans-glandulaire a été réalisé chez 30 hypospades. Nous avons
obtenu un bon résultat dans 90% des cas. Deux sténoses méatales, une fistule
urétrale et une rétraction du méat ont été observées. Cette technique est
idéale particulièrement indiquée chez les enfants circoncis mais de
réalisation difficile
Pour les hypospadias moyens :
* La technique de
MATHIEU modifiée selon BARCAT a été pratiquée chez 191 hypospades dont
44 péniens antérieurs et 147 péniens moyens. Nous avons enregistré 83% de
bon résultats. Ce pourcentage est comparable à celui de la littérature. La
technique de MATHIEU trouve ses indications dans les hypospadias péniens moyens
et antérieurs. Actuellement, quel que soit le type d’hypospadias antérieur
et en cas de doute sur le choix du meilleur procédé, le plus simple est d’utiliser
la technique de MATHIEU modifiée selon BARCAT, c’est une technique valable,
de réalisation simple.
* La technique du
lambeau préputial pédiculé en ONLAY a été pratiquée chez 8 hypospades
dont 5 hypospades postérieurs et 3 hypospades moyens. Nous avons eu un bon
résultat fonctionnel et esthétique dans tous les cas. Nous avons observé deux
fistules, une temporaire et une deuxième ayant nécessité une réintervention.
Nos
résultats sont comparables aux résultats signalés dans la littérature (5 à
6% de complications). Cette technique est indiquée dans les hypospades moyens
et postérieurs avec coudure modérée. Elle entre en compétition d’une part
avec la technique de MATHIEU, d’autre part avec le lambeau préputial
tubulisé dans la correction des hypospades péniens.
Cette nouvelle technique est
prometteuse, ses indications étant plus larges et ses complications sont moins
fréquentes.
Pour les hypospadias postérieurs :
* La technique du
lambeau préputial tubulisé de DUCKETT a été préconisée chez 7
hypospadias qui se répartissent en 5 péniens postérieurs et 2 péniens
moyens. Nous avons obtenu 71,4% de bons résultats, comparables aux différentes
séries mondiales.
Le taux de complications
retrouvées est de 28,6%. Ce taux est variable selon les auteurs.
La complication la plus
fréquente est la fistule. La sténose proximale est redoutable car difficile à
traiter, et l’urétrocèle représente la complication la plus sérieuse.
De
nos jours, cette technique est moins utilisée qu’elle ne l’était il y a 10
ans. L’urétroplastie par un lambeau en ONLAY est préférée à l’urétroplastie
par un lambeau tubulisé. Celle-ci est réservée aux hypospadias sévères avec
une coudure importante.
* Urétroplasties
différées : les techniques du traitement de l’hypospadias en plusieurs
temps sont quasiment abandonnées au profit des traitements en un temps.
Certaines doivent être connues parcequ’elles sont d’importance historique
(technique de DUPLAY, technique de DENIS BROWNE), d’autres parcequ’elles
peuvent constituer une ressource précieuse dans les cas difficiles (technique
de LEVEUF). Cependant ces techniques comportent plusieurs complications, un
nombre élevé d’interventions. L’âge au moment de l’urétroplastie est
souvent avancé et le résultat final n’était pas toujours satisfait. ces
techniques tombent en désuétude avec le développement de la chirurgie en un
temps.
Dans
notre série, la technique de DUPLAY a été employée dans 7 cas, nous avons
obtenu 72% de bons résultats. Actuellement cette technique est utilisée en
association avec la technique de DUCKETT.
La technique de BELT-FUQUA a
été réalisée pour la correction de 34 hypospadias postérieurs. Les
résultats étaient satisfaisants mais le taux de complications était élevé
(34%). De nos jours, elle n’est plus employée.
En
réalité, nous croyons que l’amélioration des résultats dépend de quelques
facteurs primordiaux.
1/
D’abord l’expérience de l’opérateur qui doit maîtriser les différentes
techniques opératoires. Il est incontestable que le taux de réussite est d’autant
plus élevé que l’opérateur a l’habitude de cette chirurgie.
2/
Ensuite le choix de la technique la plus adéquate en fonction de l’anatomie
de la verge : c’est ainsi qu’il faut utiliser la technique de MATHIEU
modifiée ou le MAGPI modifié pour les hypospadias balanique et balano-péniens,
la technique de MATHIEU-BARCAT pour les hypospadias antérieurs et moyen, le
lambeau en ONLAY pour les hypospadias moyens et péniens postérieurs avec
coudure minime ou modérée, la technique de DUCKETT pour les hypospadias plus
postérieurs.
3/
De même, une instrumentation fine adaptée, une désinfection soigneuse, une
dissection méticuleuse, une hémostase minutieuse et des sutures sans tension
à l’aide des fils très fins à résorption lente.
4/
Le drainage des urines est variable en fonction de l’importance du geste
chirurgical. Il est inutile dans les formes distales, balaniques et
balano-prépuciales. L’avis est partagé entre les partisans du drainage
trans-urétral et ceux de la cystostomie par ponction sus-pubienne, dans les
autres formes de l’hypospadias. En cas de plastie étendue il importe d’avoir
un double drainage urinaire transurétral et sus-pubien.
5/
En outre, le dépistage et le traitement de toute infection urinaire doit être
entrepris avant d’entamer tout traitement chirurgical plastique.
6/
Enfin, les soins post-opératoires concernant le pansement, la perméabilité
des sondes, la lutte contre les spasmes vésicaux et l’analgésie
post-opératoire.
Nous terminons ce chapitre sur une citation de J. W. DUCKETT : « L’hypospadias est une déformation causant une souffrance psychologique qui doit toujours nous pousser à obtenir le meilleur résultat possible. La reconstruction de l’urètre est un problème aussi vaste que n’importe lequel de la vaste étendue de notre art qu’est l’urologie. Si quelques progrès ont été faits, il faut espérer en faire encore d’autres dans le domaine fascinant de l’hypospadiologie ».