Comment je traite
une tumeur superficielle de la vessie?

L.BOCCON-GIBOD


Les références du Comité
de Formation Continue
de l'AFU

Introduction
Bilan et traitement initial

Conduite à tenir selon la situation

Questions diverses

Bibliographie

 

Introduction

Classiquement, les tumeurs vésicales superficielles sont celles qui respectent la musculeuse vésicale.
Cette définition revient à inclure dans un même groupe une population extrêmement hétérogène quant au pronostic:
Les tumeurs papillaires limitées à la muqueuse (stade Ta) sont les plus fréquentes. Elles exposent avant tout au risque de récidive mais exceptionnellement de progression vers l'infiltration pariétale, c'est dire que ne mettant pas en jeu le pronostic vital dans la quasi totalité des cas, elles relèvent d'abord et avant tout du traitement conservateur.
Les tumeurs papillaires superficiellement invasives, envahissant le chorion (T1) exposent tant aux risques de récidive que de progression (respectivement dans 80 et 40 % des cas en cas de tumeur de haut grade: G3).
Les tumeurs planes, limitées à la muqueuse ou carcinomes in situ (CIS) isolées ou associées aux tumeurs papillaires. Cette lésion non traitée évolue quasi constamment vers l'infiltration pariétale.

Bilan et
traitement initial

L'examen endoscopique minutieux est la première étape du traitement.
Cet examen est réalisé sous anesthésie générale ou chaque fois que possible sous anesthésie locorégionale et comporte:

Un toucher rectal permettant d'évaluer le volume de la prostate et l'absence d'infiltration pelvienne perceptible,

Après introduction de l'endoscope, le recueil des urines pour examen cytologique. Il est commode de faire porter cet examen sur les urines auxquelles on peut mélanger le produit d'un liquide de lavage vésical à l'aide de sérum physiologique. La pratique de ce cytodiagnostic vient en complément des biopsies vésicales en muqueuse optiquement saine qui peuvent toujours être prises en défaut.

Un examen endoscopique méthodique de l'ensemble de la cavité vésicale sans omettre en particulier la région de la face antérieure et rétrocervicale. Lors de cet examen sont notés, le nombre, le siège, l'aspect des lésions (papillaires à longues franges, papillaires à courtes franges, sessiles ou non..).

la réalisation de biopsies en muqueuse optiquement saine à la pince froide. Elle est probablement superflue si le cytodiagnostic réalisé avant l'intervention est négatif, et si les tumeurs sont d'aspect manifestement bénin (papillaires à longues franges, étroite base d'implantation). Toutes les fois que la cytologie urinaire est positive et/ou que les tumeurs n'ont pas un aspect strictement bénin, les biopsies en muqueuse optiquement saines sont nécessaires afin de s'assurer de l'absence de lésions associées de carcinome in situ.

La résection méthodique de l'ensemble des lésions comportant le prélèvement séparé de la partie superficielle puis de la base d'implantation de la tumeur afin de guider l'examen anatomopathologique. Il est indispensable que le compte rendu anatomopathologique mentionne le grade de la ou des tumeurs, leur stade anatomique (Pt), l'intégrité ou non du chorion, et du muscle vésical dont le compte rendu doit mentionner s'il a été ou non vu sur les prélèvements examinés. Enfin, lors de la rédaction du compte rendu opératoire, il est commode de représenter les constatations endoscopiques sur un schéma et d'en adresser un double à l'anatomopathologiste.

Conduite à tenir selon la situation

En possession du compte rendu opératoire et du compte rendu histologique, l'urologue se trouve des lors confronté à l'une des situations suivantes:

La/les tumeurs est/sont superficielle(s),Ta, bien différenciée(s), G1 ou G2, la cytologie urinaire est négative.

Aucun traitement complémentaire n'est à envisager avant l'endoscopie de contrôle au troisième mois.
En l'absence de récidive à cette date, ce qui survient dans près d'un cas sur deux, le risque de récidive au cours des années ultérieures est extrêmement faible (inférieur à 8/10) les examens de surveillance se résument essentiellement à la fibroscopie uréthrovésicale. Ils peuvent être espacés tous les trois à six mois pendant les deux premières années et probablement abandonnés ultérieurement.
S'il existe une récidive, ce qui est d'autant plus fréquent que la tumeur initiale était volumineuse (plus de 3 cm) et/ou multifocale (1), le risque de récidive ultérieure tout au long des années qui viennent est très élevé (80 %) dès lors, le choix est à faire entre de simples RTU itératives à la demande, ou le recours à une chimio ou immunothérapie endovésicale. Il est maintenant parfaitement démontré que l'efficacité de la chimiothérapie cytotoxique endovésicale demeure marginale, dans la mesure où elle retarde mais ne supprime pas la survenue des récidives (2), l'immunothérapie endovésicale utilisant le BCG est indiscutablement plus efficace puisqu'elle diminue le nombre de récidives et probablement le risque de progression, cependant ses effets secondaires indiscutables doivent être pris en compte lors de la décision (2).

La/les tumeur(s) est/sont superficielle(s) Ta peu différenciée(s) G3 avec cytologie urinaire positive ou présence de CIS sur les biopsies en muqueuse optiquement saine.

La RTU ne peut à elle seule représenter le traitement car le risque de récidive et de progression essentiellement lié à la présence de CIS est élevé. Le traitement endovésical est indispensable et l'immunothérapie par BCG endovésical demeure le traitement le plus efficace puisqu'il est le seul à réduire de manière significative le taux de récidive et partant le risque de progression. Les instillations endovésicales ne seront bien entendu entreprises que trois semaines à un mois après l'intervention chirurgicale.

La/les tumeur(s) est/sont superficiellement invasives(s) c'est-à-dire qu'elle(s) intéresse(nt) le chorion en respectant la musculeuse vésicale qui a été vue sur les prélèvements anatomopathologiques, de grade 2 ou de grade 3 avec ou sans CIS isolé; ou bien il s'agit d'un CIS isolé.

Le risque d'évolution vers l'infiltration pariétale est alors très élevé (40 %) et celui de récidive d'environ 80 % en absence de tout traitement complémentaire (3). Il est donc indispensable de faire suivre la résection trans-uréthrale par un traitement adjuvant:

La résection trans-uréthrale itérative a pu être suggérée mais il n'est pas certain qu'elle améliore considérablement pronostic, la prostatocystectomie totale avec entéroplastie de substitution été proposée, le recours à la chimio-immunothérapie endovésicale par BCG semble cependant une solution plus raisonnable dans mesure où avec un certain recul elle fait quasiment jeu égal avec la prostatocystectomie totale avec entéroplastie de substitution, en ayant l'avantage de conserver la vessie (4). Cette chimio-imunothérapie doit être entreprise et surveillée très rigoureusement (cytodiagnostic urinaire au terme du traitement, examen endoscopique sous anesthésie avec cytodiagnostic et biopsies vésicales systématisécs trois semaines après l'arrêt du traitement) afin d'en préciser au mieux les résultats et de pouvoir, si nécessaire, orienter différemment la thérapeutique.

En cas de CIS de l'urètre prostatique, il est indispensable de réaliser une RTU prostatique afin d'assurer le contact du BCG avec la muqueuse urétrale. Une simple électroincision cervicoprostatique a probablement les mêmes effets dans la mesure où elle supprime le système sphinctérien proximal, ceci n'est cependant pas absolument vérifié.

Questions diverses

Quels examens utiliser dans le cadre de la surveillance des malades atteints de tumeur superficielle de la vessie?

En cas de tumeur G1 G2 Ta, avec cytologie urinaire initiale négative, l'échographie vésicale et la cytologie peuvent représenter une alternative à la cystoscopie traditionnelle surtout si celle-ci est réalisée sous anesthésie avec un endoscope rigide. L'utilisation du fibroscope permet aujourd'hui de réaliser de manière beaucoup moins pénible et douloureuse, l'examen endoscopique en ambulatoire au prix d'une simple anesthésie locale avec une fiabilité quasiment identique, elle doit donc être préférée aux examens d'imagerie qui comportent toujours un taux de faux négatifs d'autant plus élevé que les récidives sont de plus faible volume.
Lorsque la cytologie urinaire est positive, dès le premier examen ,et en particulier s'il s'agit d'une lésion Ta G3 ou d'un CIS, la cytologie fait partie bien entendu de la surveillance de routine lors de chaque consultation de contrôle.

La cytométrie en flux doit-elle être préférée à la cytologie urinaire conventionnelle?
A l'heure actuelle, il ne semble pas démontré qu'en pratique clinique quotidienne, la cytométrie en flux fasse mieux qu'un cytologiste compétent et averti surtout s'il assure aussi la lecture des lames histologiques.

Quelle est la place de l'imagerie du haut appareil dans la surveillance des malades atteints de tumeur superficielle de la vessie?
La réalisation de trois ou quatre cliches d'urographie tous les deux ans, peut se discuter afin de ne pas méconnaître la survenue d'une éventuelle tumeur du haut appareil qui demeure cependant rare. On sera d'autant plus enclin à procéder à cet examen que l'un des orifices urétéraux aura été réséqué.

L'utilisation du laser YAG améliore-t-elle les résultats?
Le recours au laser permet de détruire sans douleur, avec une hémostase parfaite, des récidives de faible volume mais il ne permet pas le recours à l'examen histopathologique. Il n'est nullement démontré que le laser diminue le taux de récidives (5).

Quelle est la meilleure formule de la BCG thérapie?
Le BCG actuellement utilisé en France est l' IMMUCYST, trois ampoules mélangées à 50 ml de sérum physiologique en instillation hebdomadaire (6).

Le plan habituel de traitement comporte:

Soit un traitement court: 6 instillations hebdomadaires suivies de trois semaines de repos puis de l'évaluation de l'efficacité du traitement,

Soit un traitement long comportant une première série de 6 instillations suivies de trois semaines de repos, une deuxième série de 6 instillations suivies d'un traitement "d'entretien" comportant une série de trois instillations tous les trois mois pendant l'année qui suit. Cette dernière formule semble avoir fait la preuve de sa supériorité dans les dernières années.

Il est capital:
De ne réaliser les instillations qu'au moins trois semaines après l'intervention chirurgicale, sur un patient dont les urines sont stériles. Si les urines sont infectées, il faut traiter l'infection urinaire et surseoir à l'instillation de BCG.
Le cathétérisme urétral doit être réalisé de manière particulièrement douce et atraumatique, tout traumatisme expose à l'injection dans le sang circulant de plusieurs millions de bacille exposant au risque de BCGite systémique éventuellement fatale (3).

Les instillations de BCG sont souvent compliquées (7) de manifestations d'irritation vésicale intense qui durent en général 24 à 48 heures et cèdent le plus souvent au traitement symptomatique (anticholinergiques, anti inflammatoires non stéroidiens).
En cas de "cystite" à BCG récidivante et très invalidante, un traitement par rimifon 300 mg par jour la veille, le jour et le lendemain de l'instillation est justifié et très souvent efficace. En cas d'apparition de fièvre supérieure à 39 pendant plus de 36 heures, le traitement doit être arrêté et une triple antibiothérapie antituberculeuse doit être prescrite jusqu'à la disparition des symptômes. La BCG thérapie peut être reprise lors de l'arrêt de ces derniers.
En cas de manifestations systémiques sévères (fièvre élevée prolongée, modification de la radiographie pulmonaire, perturbation des enzymes hépatiques), une triple antibiothérapie antituberculeuse doit être prescrite pendant trois mois et la BCG thérapie définitivement abandonnée. La survenue d'un accident de BCGite gravissime avec en plus des manifestations infectieuses, un état de choc, nécessite le transfert dans un service de réanimation médicale et l'association aux antibiotiques antituberculeux de cyclosérine et de corticothérapie.
Existe-t-il a l'heure actuelle une immunothérapie plus efficace que le BCG?
Pour l'instant, la réponse est clairement non, mais il n'est pas interdit d'espérer.

Que faire en cas d'échec de la BCG thérapie?
S'il s'agit de lésions superficielles sans carcinome in situ et sans infiltration du chorion, il est tout à fait légitime d'essayer une autre chimiothérapie (amétycine ? Adriblastine ?..).
En cas de persistance des lésions infiltrant le chorion et / ou du carcinome in situ après deux séries de 6 instillations endovésicales de BCG, la majorité des auteurs s'accordent aujourd'hui à estimer que l'heure du traitement conservateur est passée et qu'il est indispensable de proposer au patient un traitement curatif à visée radicale.
La cystectomie totale est probablement la forme de traitement la plus efficace en cas de carcinome in situ dont on connaît la résistance à la fois à la radiothérapie et à la chimiothérapie cytotoxique.

 

Bibliographie

1) Fitzpatrick j.m., West a.b., Butle mr et al.
Superficial bladder tumors (stage pta G1-G2) the importance of recurrent pattern following initial resection. J. Urol., 1986, 135 - 920.
2) Lamm d.
Long term results of intravesical therapy for superficial bladder cancer. Urol. Clin. N. Am., 1992, 19, 573.
3) Herr h.w., Jackse g., Sheinfeld j.
The T1 bladder tumor. Semin. Urol., 1990, 8, 254.
4) Herr h.w.
Progression of stage T1 bladder tumor after intravesical BCG. J. Urol., 1991, 145 - 40.
5) Smith j.a.
Laser surgery for transitionnal cell carcinoma. Urol., Clin. N. Arn, 1990, 19, 473.
6) Brodman s.a.
BCG immunotherapy.
Urol. Clin. N. Am.l 1992, lg, 557.
7) Lamm d.l.
Complications of BCG immunotherapy.
Urol. Clin. N. Am., 1992, 19, 565.